8:09 pm - 7 octobre, 2025

L’ouverture de China Mall à Conakry a déclenché de vives réactions. Ces derniers jours, les réseaux sociaux ont été envahis par des vidéos montrant des files interminables, des achats massifs et des prix défiant toute concurrence. Entre curiosité et inquiétude, de nombreux Guinéens se demandent : s’agit-il d’un miracle commercial ou d’une menace pour le tissu économique local ?

Sur Facebook, les commentaires abondent. Certains affirment avoir acheté des téléphones récents, comme les iPhones 16 ou même 17 Pro Max, pour moins de 2 millions de francs guinéens. D’autres évoquent des valises de mariage à 80 000 ou 500 000 GNF, des prix supérieurs à ceux pratiqués dans des marchés traditionnels comme Madina. On trouve aussi des vidéos montrant des produits défectueux : un iPhone qui se serait ouvert en pleine main ou un petit téléphone à boutons capable, paraît-il, de se recharger tout seul.

Entre original et copie : le piège de l’illusion

Derrière ces récits viraux se cache une réalité économique complexe. En Chine, coexistent deux types de produits : les originaux, fabriqués selon les normes internationales, et les copies, souvent quasi identiques, mais de qualité inférieure. Le consommateur reste libre de choisir, mais doit en assumer les conséquences.

Il paraît improbable qu’un smartphone lancé mondialement à plus de 1 000 dollars puisse se vendre à moins d’un million de francs guinéens sans être une imitation ou un reconditionné.

Le problème dépasse l’aspect économique : il est aussi éducatif. Beaucoup de clients manquent de repères techniques et commerciaux pour distinguer l’authentique de la copie et se laissent séduire par des prix trop bas.

Les charges ignorées des commerçants locaux

Cette situation révèle également une méconnaissance des contraintes auxquelles font face les commerçants guinéens. Ceux de Madina, souvent pointés du doigt par certains internautes, paient leurs produits à un coût élevé et doivent ajouter les frais de fret, d’assurance et surtout les taxes de dédouanement. Dans ce contexte, ce que certains perçoivent comme de la « surfacturation » est souvent la conséquence d’un système où l’achat à bas prix est recherché sans comprendre les coûts réels du commerce formel.

Un commerce qui ne profite pas toujours au pays

China Mall séduit par sa modernité : grands espaces climatisés, rayons ordonnés, prix visibles et parking organisé. Mais derrière cette façade, la valeur ajoutée échappe largement au pays. Ces produits sont fabriqués ailleurs, où ils créent des emplois et des richesses, avant d’être importés avec leurs risques, taxes et parfois copies. Aucun franc encaissé ne sera réinvesti localement pour générer de la valeur ajoutée.

Chaque achat soutient donc la chaîne de production chinoise. Plus la demande augmente, plus les usines embauchent à l’étranger, tandis que les commerçants guinéens subissent une concurrence inégale. Si rien n’est fait, le secteur informel — un pilier de l’emploi — risque de souffrir.

Entre avantages et menaces

L’arrivée de China Mall présente des avantages : accès à une gamme étendue de produits, prix plus compétitifs, réduction des pénuries et diversification du marché. Elle offre aussi aux importateurs locaux la possibilité d’observer de nouvelles méthodes commerciales et de dynamiser les services connexes, comme la réparation et la vente d’accessoires.

Mais les risques sont réels : multiplication de produits contrefaits, perte de parts de marché pour les acteurs locaux, affaiblissement de la confiance des consommateurs et évasion fiscale si le commerce échappe au contrôle de l’État. L’absence de régulation stricte et de contrôle qualité favorise la fraude et freine la production locale.

Un appel à l’encadrement et à la responsabilité collective

La solution ne réside ni dans la critique ni dans le rejet, mais dans l’encadrement. L’État doit renforcer les contrôles douaniers, imposer des normes de conformité et mener des campagnes de sensibilisation pour aider les consommateurs à distinguer les produits authentiques des copies. Il doit aussi accompagner les commerçants locaux dans la modernisation de leurs pratiques, en leur offrant des facilités logistiques et fiscales, tout en soutenant la production nationale.

La formation professionnelle est essentielle. Former à la vente, à la maintenance, à la gestion commerciale ou au e-commerce permet aux Guinéens de transformer la concurrence étrangère en opportunité et de valoriser leurs compétences locales plutôt que de dépendre uniquement de l’importation.

Pour un marché guinéen équilibré et durable

China Mall n’est pas une catastrophe, mais un révélateur. Il met en lumière les faiblesses structurelles du pays — dépendance à l’importation, absence de contrôle, méfiance envers la production locale — tout en soulignant la nécessité d’une réforme du commerce.

C’est un débat complexe, mêlant enjeux économiques, sociaux et humains. Mais si chaque acteur — État, commerçants et consommateurs — joue pleinement son rôle, la Guinée peut profiter de cette dynamique. Le développement d’un pays repose sur un équilibre entre ouverture, régulation et valorisation du savoir-faire local.

Safayiou Diallo



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