6:32 am - 8 octobre, 2025

C’est un constat. Les jeunes guinéens ne s’intéressent pas au Fonds National dédié à leur insertion. Au contraire, ils s’en servent pour voyager ou faire la fête dans les night-clubs. Parmi les jeunes gens qui s’engagent sur le chemin de l’immigration clandestine, des jeunes qui périssent dans le désert et dans l’océan ou même qui deviennent esclaves dans les pays maghrébins, certains ont obtenu de l’argent à partir du Fonds National pour l’Insertion  des Jeunes. Ce fonds qui devrait les aider à financer les projets, les assister dans la mise en œuvre des activités productives, génératrices de revenus et créatrices d’emplois, les conduit dans le désert et vers la méditerranée pour périr au fond de l’océan. Ainsi, depuis sa création en 2007 et sa légalisation en 2010, rares sont des bénéficiaires qui ont pu entreprendre une activité sur le terrain.

Rappelons que depuis le début des années 2010, l’emploi des jeunes occupe le devant de la scène des politiques de développement à l’échelle mondiale, tout particulièrement en Afrique. Répondant à l’objectif du développement durable sur l’accès à des emplois décents, notamment pour les jeunes, cette question est au cœur de l’Agenda 2063 adopté par l’Union africaine en 2015.

Ainsi, en Guinée, à cause de leur poids démographique (les jeunes qui constituent une véritable force socio-économique), il était question de promouvoir leur participation au développement et à la construction nationale. Et conscient du fait que la création de l’emploi à travers l’entrepreneuriat est l’une des préoccupations majeures de l’ensemble des États, le gouvernement guinéen a initié et élaboré des stratégies pouvant assurer aux jeunes, les possibilités réelles de trouver des activités créatrices d’emplois et génératrices de revenus. D’où la création en 2007 du Fonds National pour l’Insertion des Jeunes et légalisé le 29 juillet 2010 à travers le décret N° D/2010/172/CNDD/PRG/SGG/010 portant statuts du Fonds National pour l’Insertion des Jeunes (FONIJ), placé sous la tutelle du Ministère de la Jeunesse et des Sports.

Ce fonds a pour mission de promouvoir l’esprit d’entreprise chez les jeunes, soutenir et financer les programmes et projets de formation qualifiante en faveur des jeunes, les assister dans la mise en œuvre d’activités productives, génératrices de revenus et créatrices d’emplois, financer les entreprises et micros projets initiés par les jeunes, assurer le suivi des projets financés après leur lancement afin de s’assurer de leur pérennité, apporter le soutien nécessaire aux structures institutionnelles pour la mise en œuvre correcte des actions et activités envisagées dans le cadre des programmes et projets d’insertion des jeunes et appuyer les collectivités territoriales dans la mise en œuvre des programmes locaux d’insertion des jeunes

Mais hélas ! La malhonnêteté des bénéficiaires  des prêts, l’ambition des jeunes d’aller chercher une vie meilleure sous d’autres cieux, le faible niveau d’éducation et de formation, le manque d’expérience professionnelle, l’inadéquation entre la formation et les besoins du marché du travail, ainsi que la prédominance d’emplois précaires dans le secteur informel, des difficultés d’accès au financement et le manque de coordination entre les structures d’insertion, sont de véritables obstacles pour le projet, freinent l’employabilité et a augmenté la vulnérabilité de la jeunesse guinéenne.

Selon des enquêtes menées au niveau de la gestion des fonds alloués aux jeunes et auprès de quelques anciens responsables de FONIJ, certains bénéficiaires des fonds d’insertion de la jeunesse en Guinée dilapident les prêts ou les utilisent pour fuir. Ce phénomène de bénéficiaires fuyant avec l’argent ou le gaspillant, est l’un des maux qui impactent l’efficacité des programmes d’insertion.

Lorsqu’on interroge les jeunes sur leurs projets professionnels, on note un désajustement généralisé entre leurs préférences et les opportunités réelles d’emplois. Alors que le secteur public (administration et entreprises publiques) leur est clairement inaccessible, près d’un tiers des jeunes rêvent d’y être embauchés. Le hiatus est du même ordre pour le secteur privé formel. A contrario, le secteur informel, agricole et non agricole, de loin le principal pourvoyeur d’emplois, est massivement rejeté par les jeunes, la palme du « grand écart » revenant aux activités agricoles, qui procurent environ un tiers des emplois mais que moins de jeunes appellent de leurs vœux.

Un ancien directeur général interrogé sur le suivi des prêts accordés aux jeunes est catégorique : « …Sur le dossier de prêt, il y a trois parties prenantes : l’Etat, la banque, les bénéficiaires. C’est un comité qui se prononce sur le dossier en présence du ministre de tutelle. Tous les fonds de dossiers se trouvent à la banque qui décaissait  les fonds par tranche et les projets faisaient l’objet de contrôles avec des rapports fournis…Les dossiers retenus ont été analysés par le département du crédit de la banque avec des ratios et qui a donné les résultats devant le ministre de tutelle dans son cabinet…C’était un crédit revolving qui devait bénéficier à d’autres jeunes soutenu par une subvention de l’Etat…

Malheureusement, certains l’ont interprété sur le plan politique pour marquer leur refus de remboursement…Plusieurs d’entre eux n’ont pas touché la totalité du montant alloué parce qu’ils n’ont pas respecté les conditionnalités fixées pour accéder à une autre tranche », et de continuer : « FONIJ n’a jamais accordé de prêt à un jeune. C’est la banque qui a mis en place une ligne de crédit garantie par la subvention de l’Etat. Et FONIJ avait pour rôle de supervision et d’encadrement pour le bon déroulement des activités financéesLe remboursement des prêts était un processus qui s’étalait sur une période donnée et le suivi devrait être assuré par mon successeur et la banque qui devait disposer des garanties nécessaires»

Pour conclure, il dira : «…Les fonds étaient domiciliés au trésor. Nous n’avions pas le droit de domicilier les fonds dans les banques primaires. Seule la garantie servant au financement des projets des jeunes était domiciliée à Afriland First Banque. Les montants étaient progressifs. Sauf erreur de ma part sur les trois ans passés comme directeur général, Je crois on est parti de 300 millions de GNF à 700 millions GNF… Et ces fonds étaient destinés au fonctionnement. A l’époque on n’était vraiment pas doté en moyens suffisants pour accompagner les jeunes. Tous les rapports ont été déposés à la Cour des Comptes. Et bien sûr les comptes ont été approuvés par le conseil d’administration… »

Cet ancien directeur général n’a pas mentionné dans son intervention pourquoi les jeunes ne s’intéressent pas au FONIJ, il n’a pas non plus fait cas de la fuite des jeunes  et du gaspillage des fonds alloués. Et pourtant lors de notre enquête, on nous apprend qu’un des bénéficiaires qui avait un projet de l’installation d’usine de fabrication de piment en poudre, aurait fui avec un prêt de l’argent vers le Canada. Un policier, avec la complicité d’un directeur général, aurait encaissé à la banque  la première tranche (75.000.000GNF) du montant qui lui était alloué. Son projet de ferme avicole n’a jamais vu le jour. Et l’argent pris à la banque n’a non plus été remboursé. Un jeune aurait fui avec l’argent vers la Libye pour aller mourir en mer. Les cas sont légion depuis la mise en place du FONIJ, apprend-t-on à travers les indiscrétions au siège de l’institution.

De tout ce qui précède, il faut conclure que les nouvelles générations vont souvent au-devant de sévères désillusions, qui, si elles ne sont pas corrigées, sont porteuses de tensions sociales majeures. Les ajustements devraient prendre deux directions. D’une part, il convient de faire comprendre aux jeunes que le salariat n’est pas l’horizon indépassable d’une trajectoire professionnelle réussie, et que le lien automatique entre formation et emploi public est définitivement révolu. De ce point de vue, l’école devrait les préparer à envisager l’éventualité de se mettre à leur compte, en orientant plus le cursus vers la formation professionnelle, afin qu’ils puissent le faire dans les meilleures conditions possibles.

D’autre part, il est nécessaire de remettre en question le mode actuel de gestion des emplois formels, dont les jeunes sont injustement exclus par la politique indifférenciée de gel des embauches, surtout dans le public. Un mode plus équitable doit être promu, en recrutant, en favorisant par exemple les départs volontaires ou les retraites anticipées au profit des jeunes générations plus diplômées et motivées. Enfin, les perspectives pour les jeunes pourraient résider dans la formalisation de l’informel, qui pour l’État représente un véritable enjeu.

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