En marge d’une rencontre organisée avec le FMI (Fonds Monétaire International), mercredi 2 juillet 2025, le gouverneur de la Banque Centrale, Karamo Kaba, s’est voulu rassurant, non sans semer la confusion dans les esprits avec cette phrase : ‘’Nous n’avons pas de crise de liquidité en Guinée. Nous avons une crise de billets’’, rappelant étrangement un de ses illustres prédécesseurs, Kerfalla Yansané, avec sa légendaire formule : ‘’La monnaie glisse puisqu’elle se porte bien’’.
Jamais pourtant, depuis la création de la monnaie nationale le 1er mars 1960, le système bancaire guinéen ne s’est montré aussi incapable de satisfaire ses clients que ces derniers temps, notamment à la veille de la Fête de Tabaski. Et là réside toute la problématique.
En effet, pour la première fois en 65 ans, et depuis la période du doute des années 80-90, quand des commerçants maninkas moris versaient le matin et retiraient le soir leurs recettes journalières des banques, une crise de confiance s’installe entre les Guinéens et les établissements bancaires.
Le gouverneur Karamo Kaba aura beau utiliser les termes techniques bancaires pour jongler entre ‘’liquidités’’ et ‘’billets’’, il ne pourrait atténuer le terrible mal des millions de consommateurs pour qui la réalité impose que les liquidités, ce sont les espèces, les deux désignant l’argent disponible immédiatement, sans lequel les achats sont simplement, mais durement impossibles pour l’acheteur.
‘’La liquidité bancaire désigne la monnaie émise par une banque centrale’’, disent les économistes. Sa pénurie est insupportable pour le consommateur.
Et cette éprouvante réalité se vérifie dans le quotidien du Guinéen. Elle a affecté la célébration de la Fête de l’Aïd Al-Adha chez la grande majorité, sinon la totalité, des Guinéens. Ainsi, en lieu et place du laborieux nihilisme, la lucidité voudrait que le gouverneur Karamo Kaba s’approprie les causes avancées et les solutions proposées par l’ancien ministre de l’Économie et des Finances, Docteur Ousmane Kaba, lui-même banquier et ancien haut cadre de la BCRG.
Contrairement aux affirmations du gouverneur, les personnes bancarisées sont celles qui sont les plus touchées ou concernées par cette malheureuse épreuve. Ceux qui amassent, accumulent de l’argent et le thésaurisent n’ont aucun souci avec les billets ou les liquidités.
Ce sont justement les salariés bancarisés et les clients de tout genre (particuliers, sociétés, etc.) qui sont confrontés à la crise, et ce sont eux qui n’ont pas pu effectuer les retraits dans les banques à la veille de la Fête de l’Aïd Al-Adha pour pouvoir faire face aux dépenses liées à cette importante célébration musulmane. Ce sont eux qui continuent de souffrir.
Parmi les personnes bancarisées, combien de clients possèdent une carte bancaire ? Le pourcentage est très marginal. Et quelle est la marge de manœuvre de ceux qui en détiennent sur le marché ?
Pratiquement nulle dans un pays où le Terminal à Paiement Électronique est un mystère autant pour l’étalagiste que pour le gérant de grande surface.
Évidemment, on peut convenir avec le gouverneur Kaba que ‘’le problème, c’est que nous avons une trop grande utilisation du cash’’. Qu’il en tienne dorénavant compte, si ce n’était pas le cas. Pour le moment, c’est ainsi que fonctionne l’économie guinéenne. De la vendeuse de piment au propriétaire immobilier, en passant par les prestataires de services, les espèces demeurent sonnantes et trébuchantes. Ce système a encore de nombreux siècles devant lui.
Et si ‘’la Banque centrale dispose actuellement de moins en moins de billets’’, la responsabilité lui incombe.
Cet inquiétant et nouveau phénomène dans l’histoire de la Banque Centrale était, avant lui, totalement inconnu en Guinée. Car, comme l’affirme Dr Ousmane Kaba, la principale raison est liée aux nombreuses dépenses non prévues faites par la BCRG sous son magistère.
Et le phénomène s’est traduit par un malaise entre la Banque centrale et les banques commerciales primaires, ainsi qu’un manque de confiance chez les gros déposants.
D’ordinaire, la Banque centrale retire et remplace les billets trop usés, émet de nouvelles coupures sans bruit et sans que l’usager ne le ressente dans ses transactions quotidiennes.
Espérons cependant que les commandes annoncées, forme d’aveu confirmant de facto la pénurie et la crise, de 500 milliards en août, 1 500 milliards en septembre et 600 à 700 milliards en octobre, n’aggraveront point la galopante inflation et sauront sauver la Guinée de la banqueroute.
Abdoulaye CONDE
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