CONAKRY-Alpha Condé, 87 ans, a surpris plus d’un en Guinée à l’occasion de la fête nationale, en faisant un mea-culpa inédit sur les crimes commis sous son règne (2010-2021). Au regret, l’ancien dirigeant guinéen en exil a demandé pardon pour les violations des droits humains qui ont émaillé ses onze années de pouvoir. Cette demande de l’ancien président, qui intervient plus de quatre ans après son départ brutal du pouvoir, suscite de vives réactions. A Conakry, chacun y va de son commentaire.
« Un acte à saluer, mais la justice reste nécessaire »
Pour Djibril Bah, citoyen rencontré à Cosa, ce geste est certes venu tard, mais il mérite d’être salué : « C’est très dur, mais l’acte est à saluer. S’il reconnaît lui-même qu’il a fait du mal, je pense que c’est déjà un pas. Mais avant le pardon, il fallait qu’il y ait justice et réconciliation. Nous avons perdu beaucoup de parents et d’amis. Dieu lui-même pardonne, mais il faut que la justice passe d’abord », a-t-il dit
Un avis partagé par Ibrahima qui estime que la demande de pardon est « surprenante » et que seule la justice peut ouvrir la voie à une véritable réconciliation.
« Pourquoi maintenant ? »
D’autres citoyens s’interrogent sur le moment choisi par l’ancien président. Pour Bouna Doré, le retard de cette sortie diminue la portée du message :« C’est bien de demander pardon, mais pourquoi seulement maintenant ? Il aurait dû le faire dès son départ du pouvoir. Le pardon n’est pas un mal en soi, mais il perd de sa valeur lorsqu’il est trop tardif », a-t-il déclaré
Même son de cloche pour Mohamed Ndantari Barry, qui estime que le pardon aurait dû être demandé « au moment où il commandait les militaires, la police et la gendarmerie ». Il rappelle que « plus de 300 jeunes ont perdu la vie sur l’Axe ». Ce citoyen juge la démarche « surprenante et tardive ».
« Il ne faut pas faire le mal et demander pardon après. Beaucoup de familles ont perdu des fils uniques, pour elles ce pardon est insignifiant. Mais même les dirigeants actuels doivent tirer des leçons pour ne pas répéter les mêmes erreurs », a-t-il dit
Les défenseurs des droits humains nuancent
Mamadou Kaly Diallo, activiste des droits de l’homme, adopte une position pondérée. Selon lui, cette démarche peut être vue comme un signe d’apaisement : « On ne peut pas refuser un pardon. C’est un acte de grandeur de reconnaître ses erreurs et de demander pardon. Mais cela ne doit pas entraver les procédures judiciaires en cours », a-t-il indiqué
Entre justice et réconciliation
Si certains saluent le geste de l’ancien président, la majorité des citoyens rencontrés insistent sur la nécessité de rendre justice. Beaucoup estiment que ce pardon arrive trop tard et ne saurait effacer les pertes humaines et matérielles enregistrées durant son régime. Entre scepticisme et espoir, la société guinéenne reste divisée.
Mamadou Yaya Bah
Pour Africaguinee.com
Créé le 5 octobre 2025 14:58
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