Les autorités guinéennes doivent révéler sans attendre le sort des militants du Front national de défense de la Constitution (FNDC) Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah, victimes de disparitions forcées il y a un an, et s’assurer que les personnes suspectées d’être responsables des enlèvements et disparitions forcées en Guinée soient traduites devant la justice à travers des procès équitables et que les victimes aient accès à la justice et à des voies de recours efficaces, ont déclaré 25 organisations guinéennes et internationales de défense des droits humains.
« Nous appelons les autorités guinéennes à sortir de ce silence insupportable s’agissant du sort des deux militants du FNDC. Rien n’indique qu’elles ont effectivement mené des enquêtes pour retrouver les deux militants disparus depuis un an », ont déclaré aujourd’hui les organisations de défense des droits humains.
Mamadou Billo Bah et Oumar Sylla, dit Foniké Menguè, ont été arrêtés le 9 juillet 2024 au domicile de ce dernier à Conakry par des hommes armés, avant d’être présumément emmenés par les forces spéciales sur l’archipel des îles de Loos. Ils auraient été interrogés et torturés, selon un troisième membre du FNDC qui a été enlevé avec les deux autres et libéré le lendemain. Les autorités ont nié les détenir et leur sort reste inconnu à ce jour.
Le FNDC, un mouvement de la société civile qui plaide pour un retour à un régime civil, a été dissous en 2022. Oumar Sylla, son coordinateur national, avait appelé à manifester le 11 juillet 2024, entre autres contre la répression des médias et la cherté de la vie.
Depuis l’annonce, le 17 juillet 2024, par le procureur général de l’ouverture d’enquêtes « minutieuses et complètes » sur plusieurs enlèvements dont ceux d’Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah, aucune information n’a été communiquée sur leur avancement.
Nous appelons les autorités guinéennes à ratifier sans réserve la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
25 organisations guinéennes et internationales de défense des droits humains
Multiplication des cas d’enlèvements et de disparitions
Le journaliste Habib Marouane Camara, administrateur général du site d’information Le Révélateur, a été victime d’un enlèvement à Lambanyi, une commune de Conakry, le 3 décembre 2024 par des hommes en uniformes selon des témoins. Une « arrestation opérée sans ordres des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi », avait déclaré le parquet de Dixinn le 6 décembre 2024, annonçant qu’une enquête était en cours. Les proches du journaliste restent sans nouvelles à ce jour.
« Depuis ces annonces, aucune information n’a été communiquée par les autorités. Nous les appelons à faire toute la lumière sur les cas d’enlèvements et de disparitions dans le pays en menant des enquêtes promptes, indépendantes et transparentes sur ces cas. Nous appelons également les autorités à ratifier sans réserve la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées », ont déclaré les organisations de défense des droits humains.
À ces disparitions s’ajoutent des enlèvements suivis d’actes de tortures sur des individus connus pour leurs opinions critiques. Le 19 février 2025, le coordinateur national du Forum des forces sociales de Guinée, Abdoul Sacko, a été enlevé puis retrouvé le même jour, selon ses avocats « dans un état critique, torturé et abandonné par ses ravisseurs en brousse ».
L’avocat Mohamed Traoré a subi le même sort en juin 2025. L’ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats de Guinée a témoigné avoir subi des « sévices » après avoir été enlevé à son domicile dans la nuit du 20 au 21 juin par des hommes armés. Le Barreau de Guinée a informé qu’il avait été retrouvé « le dos couvert de plaies ». Le 23 juin, le procureur général a là encore annoncé l’ouverture d’une « enquête approfondie sur les faits ».
Nous appelons les autorités à respecter leurs obligations internationales en matière de droits humains comme elles s’y sont engagées devant le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies en avril 2025.
25 organisations guinéennes et internationales de défense des droits humains
« Un climat de terreur »
Après l’enlèvement d’Abdoul Sacko, le Barreau de Guinée avait dénoncé « le climat de terreur qui s’installe progressivement et […] l’absence totale de réaction des autorités judiciaires ».
Nos organisations se sont entretenues avec des avocats et acteurs politiques qui disent avoir été la cible de menaces.
Un cadre d’un parti d’opposition vit caché depuis plusieurs mois, après avoir reçu des menaces par téléphone et après que des personnes en civil se sont rendues à son domicile en son absence, proférant des menaces. Un autre acteur politique a déclaré changer fréquemment de domicile et d’itinéraire, après avoir reçu des menaces.
Un avocat a déclaré : « depuis que j’ai commencé à défendre certaines personnes critiques du gouvernement, j’ai reçu au moins quatre appels confirmant que je suis sur la liste des personnes dont l’enlèvement est planifié. »
Un défenseur des droits humains a dit avoir été alerté après ses déclarations dénonçant l’enlèvement de Mohamed Traoré : « j’ai reçu deux appels de personnes que je connais au sein du système judiciaire pour m’inciter à quitter mon logement car je serais le prochain sur la liste selon leurs informations. Je prends cela très au sérieux, je fais en sorte de n’être jamais seul. »
« Nous appelons les autorités guinéennes à respecter leurs obligations internationales en matière de droits humains en respectant, protégeant, promouvant et réalisant les droits humains de tous dans le pays, comme elles s’y sont engagées devant le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies en avril 2025 à l’occasion de l’Examen périodique universel, notamment les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique et les droits des défenseur·e·s des droits humains, » ont déclaré les organisations guinéennes et internationales de défense des droits humains.
Signataires
- Action pour des Personnes Vulnérables (APV)
- Alliance des Femmes Leaders pour la Parité en Guinée (AFLPAG)
- Alliances des Médias pour les Droits Humains en Guinée (AMDH)
- Amnesty International
- Assistance Justice Aux Droits des Enfants et Femmes (AJDEF)
- Association des Blogueurs de Guinée (ABLOGUI)
- Association des Victimes, Parents et Amis des évènements du 28 septembre 2009 (AVIPA)
- Avocats Sans Frontières Guinée (ASF Guinée)
- Centre Africain de Formation et d’Information sur les Droits de l’Homme et de l’Environnement (CAFIDHE)
- Conseil Consultatif des Enfants et Jeunes de Guinée (CCEJG)
- Coalition des ONG de protection et de promotion des Droits de l’Enfant, Lutte contre la Traite (COLTE/CDE)
- Convention Guinéenne des Droits de l’Homme (COGUIDH)
- Convergence des Jeunes Leaders pour la Paix et la Démocratie (COJELPAID)
- Coordination des Jeunes Cadres Volontaires pour le Futur (CJCVF)
- Fédération Guinéenne pour la Promotion des Associations des Personnes Handicapées (FEGUIPAH)
- Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur.es des droits humains
- Forum Civil Guinéen
- Jeune Action pour la Santé et le Développement (JASD)
- Leadership Jeunes pour la Paix et le Développement en Afrique (LEJEPAD)
- Organisation Guinéenne de Défense des Droits de l’Homme et du citoyen (OGDH)
- Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur.es des droits humains
- Organisation Secours aux Handicapés de Guinée (OSH Guinée)
- Union pour le Bien-Être des Personnes Atteintes d’Albinisme (UBPAAG)
- Women of Africa (WAFRICA Guinée)
- Women Hope Guinée (WHP)
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