Le peuple de Guinée retient son souffle. Depuis plusieurs semaines, les regards sont tournés vers le Président Mamadi Doumbouya, chef de la transition, dont les soutiens les plus fervents espèrent un mot : le “Oui je serai candidat.” Dans les rues, dans les médias et au sein des cercles politiques, la question brûle toutes les lèvres : Le général sera-t-il candidat à la future élection présidentielle ?
Cette interrogation, lourde d’histoire et de symboles, réveille les souvenirs d’une Guinée où les militaires, depuis 1984, ont souvent joué un rôle central dans la conquête et la conservation du pouvoir
De Conté à Doumbouya : quarante ans de coups d’Etat et d’espoirs déçus
Depuis la mort du président Ahmed Sékou Touré en 1984, la Guinée a connu plusieurs
régimes militaires :
- Le général Lansana Conté, arrivé au pouvoir par un coup d’État, est resté plus de
deux décennies à la tête du pays.
- Le capitaine Moussa Dadis Camara, puis le général Sékouba Konaté, ont dirigé la transition suivant les tragiques événements du 28 septembre 2009 et du 3 décembre 2009, qui ont marqué à jamais la conscience nationale.
- Seul le général Sékouba Konaté, malgré ses ambitions personnelles, n’a pas cédé aux sirènes du pouvoir, sous la pression internationale et les blessures laissées par ces tragédies. Il a choisi de respecter la parole donnée et de permettre à la Guinée de retourner à un régime civil.
L’heure du courage politique
Les Guinéens, lassés des promesses non tenues et des transitions sans fin, aspirent à une véritable rupture. Ils veulent croire que cette fois, un homme en treillis saura tenir parole.
Lorsqu’il a pris le pouvoir en septembre 2021, le général Doumbouya s’était engagé devant la nation et la communauté internationale à ne pas se présenter ni laisser un membre de son gouvernement briguer le pouvoir. Cette promesse, réaffirmée à plusieurs reprises, constitue aujourd’hui le fondement moral de la transition.
S’il choisit de respecter cet engagement, il ne le fera pas seulement preuve d’honneur militaire mais aussi, il posera un acte fondateur pour la démocratie guinéenne.
Une occasion historique de mettre fin aux coups d’État
Dire ‘’NON’’ à la tentation du pouvoir, ce serait ouvrir une nouvelle ère.
- Une ère où les militaires deviendraient enfin les garants de la République, et non ses
maîtres.
- Une ère où la Guinée pourrait inspirer le reste du continent, souvent secoué par les mêmes crises et ambitions démesurées.
Si le général Doumbouya choisit la voie de la sagesse, il marquera la fin d’un cycle entamé, il y a quarante ans, celui des coups d’État militaires et inaugurera un véritable renouveau politique et institutionnel.
L’homme ou l’histoire
L’heure n’est plus aux discours, mais aux choix. Le général Mamadi Doumbouya peut céder à la pression de ses soutiens, ou bien faire ce que très peu ont osé avant lui : renoncer au pouvoir pour redonner confiance à un peuple trahi trop souvent.
S’il reste fidèle à sa parole, il ne sera pas seulement un chef de transition mais il deviendra le fondateur d’une nouvelle page de l’histoire guinéenne, celle où la démocratie aura enfin triomphé des armes.
Abdourahamane CONDE
Politologue
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