11:08 am - 7 octobre, 2025

Le 2 octobre 2025, la Guinée a célébré ses 67 ans d’indépendance. Fidèle à la tradition, le président de la Transition, Mamadi Doumbouya, s’est adressé à la Nation. Cette année, son discours a mis en avant une nouvelle distinction : la note B+ attribuée à la Guinée par une agence de notation financière internationale. Présentée comme un « trophée », cette note a été saluée avec enthousiasme par les autorités, perçue comme le symbole d’une économie en bonne santé.

Mais au-delà de l’effet d’annonce, une question fondamentale se pose : cette note reflète-t-elle réellement le quotidien des Guinéens ? Est-elle un indicateur de progrès tangible ou simplement un signal destiné aux marchés financiers ?

1. Une note financière n’est pas un trophée national

La note B+ ne mesure ni la pauvreté, ni la qualité des services publics, ni le bien-être des citoyens. Elle évalue la capacité d’un État à honorer ses dettes et à rassurer les investisseurs. C’est un indicateur de solvabilité, pas de développement humain.

Imaginez un commerçant félicité pour sa ponctualité à payer ses dettes aux fournisseurs, alors que ses clients se plaignent de la qualité de ses produits. Voilà ce que représente cette note : une reconnaissance externe de paiement de la dette, mais déconnectée des réalités internes.

2. Une déconnexion flagrante avec la vie quotidienne

À Conakry, Kankan, Labé, Boké, Kindia ou N’Zérékoré, cette note n’a pas fait baisser le prix du riz, ni réduit les coupures d’électricité. Elle n’a pas ouvert de nouveaux centres de santé, ni créé d’emplois pour les milliers de jeunes diplômés en quête d’avenir.

Selon la Banque mondiale, 43 % des Guinéens vivent encore sous le seuil de pauvreté. Dans les zones rurales, certaines familles survivent avec moins de 2 dollars par jour. C’est cette réalité que vivent les Guinéens, bien loin des applaudissements officiels.

3. Une évaluation selon des critères étrangers

Les agences de notation appliquent des critères strictement financiers : stabilité macroéconomique, discipline budgétaire, gestion de la dette. Elles ne tiennent même pas compte de la corruption, des détournements des deniers publics, de la qualité des écoles ou de l’accès à l’eau potable.

Un pays peut donc obtenir une bonne note tout en laissant sa population dans la précarité. Plusieurs États africains en sont la preuve : bien notés, mais secoués par des soulèvements populaires contre la vie chère.

4. Les investisseurs ne viennent pas par solidarité

Les investisseurs étrangers ne sont pas des philanthropes. Ils cherchent la rentabilité, la sécurité juridique, la stabilité politique. Une note B+ peut attirer leur attention, mais elle ne suffit pas à masquer les failles structurelles : routes dégradées, justice dépendante de la volonté du Prince, infrastructures défaillantes.

Et lorsqu’ils investissent, c’est souvent pour exploiter les ressources naturelles, bénéficier d’exonérations fiscales ou accéder à une main-d’œuvre bon marché. Le secteur minier guinéen en est l’illustration : des milliards investis, mais une population toujours dans la pauvreté extrême.

5. Le piège du triomphalisme

Le danger, c’est de confondre communication politique et réalité sociale. Brandir une note financière comme un trophée national, c’est détourner l’attention des véritables priorités : l’accès à l’eau, à la santé, à l’éducation, à l’emploi, à l’électricité, etc.

C’est comme célébrer un match nul comme une victoire en Coupe du monde. Cela peut faire illusion un temps, mais la réalité finit toujours par rattraper le discours.

6. Les vrais trophées du développement

Le vrai progrès se mesure ainsi :

  • Quand le prix du sac de riz devient stable et accessible ;
  • Quand les femmes accouchent dans des hôpitaux équipés, sans craindre pour leur vie ;
  • Quand chaque enfant apprend dans une salle de classe digne, avec des enseignants motivés ;
  • Quand les routes ne deviennent plus impraticables à la moindre pluie ;
  • Quand les jeunes trouvent un emploi chez eux, au lieu de risquer leur vie sur les routes de l’exil, etc.

Voilà les trophées que les Guinéens attendent. Pas une note étrangère, mais des changements concrets dans leur quotidien.

7. Une opportunité à transformer, pas à célébrer

La note B+ est un écran de fumée. Elle doit être un appel à la responsabilité : si la Guinée inspire confiance à l’extérieur, elle doit d’abord répondre aux attentes de l’intérieur.

Les ressources et opportunités qu’elle peut générer doivent être investies dans les secteurs vitaux. Car le développement ne se lit pas dans les rapports d’agences, mais dans les assiettes pleines, les écoles ouvertes, les hôpitaux fonctionnels.

La Guinée a 67 ans. Elle n’a plus le luxe de se contenter de symboles. Les Guinéens ont besoin d’actes, pas de médailles en papier. Le progrès ne viendra pas d’une note, mais d’une gouvernance responsable, d’un engagement sincère, et d’une politique centrée sur l’humain.

Dr Faya Lansana MILLIMOUNO



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