Conakry, le 29 juin 2025
Monsieur le Président, Â
Il est des moments dans la vie d’un homme, comme dans celle d’un parti, où l’honnêteté commande de dire ce que d’autres taisent, non pour blesser, mais pour éclairer. Ce n’est ni un règlement de comptes, ni une rupture d’allégeance, mais un acte de conscience. Car il arrive un temps où la loyauté ne consiste plus à se taire, mais à dire ce qui peut encore sauver.
Depuis quelques années, un malaise profond traverse notre formation politique. Il ne s’agit pas d’un simple désaccord passager, mais d’un écart croissant entre les principes que nous avons défendus ensemble et les pratiques qui s’installent. Le mémorandum du 4 avril 2025, cosigné par des responsables fédéraux de la Haute Guinée et de la Guinée forestière, n’était pas une fronde, mais un cri d’alerte. Il appelait à un sursaut, pas à une mise à l’écart.
Ma révocation à la tête de la coordination de la cellule de communication de l’UFDG, en représailles de mon implication, sans procédure contradictoire, s’inscrit dans une dynamique préoccupante : celle d’un parti qui peine à tolérer la contradiction. Comme pour mes camarades injustement sanctionnés, l’exclusion est devenue un réflexe, là où le débat devrait être la règle.
Et pourtant, je le redis avec force : je reste membre de l’UFDG. Mais je refuse de m’associer à une stratégie de déni, de manipulation et de surdité historique. Notre parti ne peut survivre à la seule force d’un homme, aussi charismatique soit-il. Il doit se réinventer, s’ouvrir, se renouveler.
C’est pourquoi, Monsieur le Président, je vous invite solennellement à poser un acte de grandeur : celui de passer le témoin. Non dans l’amertume ou la contrainte, mais dans la lucidité et la dignité. Devenir le deuxième président d’honneur de l’UFDG, après feu Elhadj Bah Mamadou, serait un geste fort. Vous continueriez à inspirer, à conseiller, à orienter. Votre expérience, vos réseaux, votre stature nationale et internationale sont des atouts inestimables pour le parti. Mais ils ne doivent pas être hypothéqués par une obstination à vouloir tout incarner, tout diriger, tout décider.
Il est temps, Monsieur le Président, de vous affranchir de ceux qui, sous couvert de fidélité, vous enferment dans une posture victimaire et vous éloignent des exigences du leadership éclairé. Ces voix qui vous flattent en public mais vous égarent en privé, qui rejettent toute main tendue au nom d’une pureté illusoire, sont les fossoyeurs silencieux de votre héritage. Le courage politique, aujourd’hui, consiste à rompre avec cette logique de clan pour renouer avec l’esprit fondateur de l’UFDG : celui du débat, de l’inclusion et de la vérité.
La récente injonction du Ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation, suspendant le congrès extraordinaire prévu le 6 juillet, en raison de violations statutaires et de décisions judiciaires non exécutées, doit être entendue comme un signal d’alarme.
Le refus d’appliquer la décision n°235 du Tribunal de Dixinn du 23 mai 2025, ordonnant la réintégration d’un membre injustement exclu, expose notre parti à une crise de légitimité. L’appel du Mouvement des Réformateurs à la responsabilité du Bureau Exécutif, Direction nationale de l’UFDG, notifié le 11 juin dernier est resté sans suite. Il est temps de mettre en place une commission paritaire, comme l’exige à présent la tutelle administrative, pour garantir un dialogue inclusif et une base apaisée pour l’avenir.
L’incident survenu à Abidjan, le 25 juin, où vous avez été empêché de vous faire recenser malgré des documents valides, est un autre signe cruel mais réel. Il interroge sur la faisabilité d’une candidature électorale à court terme. Il faut avoir le courage de lire l’époque : celle d’une transition générationnelle, lucide et apaisée.
Je me dois également d’évoquer, avec gravité et retenue, l’affaire de la sextape à laquelle votre image a été associée. Ce scandale, au-delà de ses implications personnelles, affecte le symbole que vous incarnez. Votre grandeur serait de tirer les leçons de cette épreuve et de vous retirer dignement, non par faiblesse, mais par souci de préserver l’honneur de l’homme et la dignité du combat.
Enfin, pour lever toute équivoque, je précise que, suite à la rupture de collaboration que vous avez décidée, j’ai librement choisi d’accompagner les actions de développement du CNRD sous le leadership du Général Mamadi Doumbouya. Travailler avec les autorités de transition n’est pas trahir l’opposition. C’est assumer pleinement sa citoyenneté et son sens des responsabilités.
Dans cette phase délicate de l’histoire guinéenne, je vous exhorte, vous et l’ensemble des cadres de notre parti, à jouer pleinement votre partition dans la transformation en cours.
En adoptant des discours porteurs d’apaisement et de responsabilité, nous pouvons œuvrer ensemble à un retour diligent à l’ordre démocratique et constitutionnel auquel nous aspirons tous. L’UFDG ne peut être en marge de ce chantier historique  : elle doit en être un artisan lucide, digne et visionnaire.
Il est grand temps, Monsieur le Président, d’appeler les braves militantes et militants de l’UFDG à sortir de cette logique de confrontation stérile, de haine entretenue et de confusion idéologique. On peut défendre ses convictions dans l’opposition, tout en contribuant loyalement à la construction nationale.
Je reste disponible pour toute initiative sincère de réforme, de dialogue et de réconciliation. Mais je ne peux plus cautionner une stratégie de fermeture et de déni.
Que chacun, au sein de notre famille politique comme dans la nation, prenne enfin la mesure du tournant qui s’annonce. Il y va de la survie de notre parti. Et, plus encore, de la stabilité de la Guinée.
Veuillez recevoir, Monsieur le Président, l’expression de mes salutations respectueuses.
La patrie avant le parti !
Joachim Baba MILLIMOUNO
Membre du Bureau Exécutif de l’UFDG
Ex Coordinateur de la cellule de communication de L’UFDG
Membre fondateur du Mouvement des Réformateurs de l’UFDG
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