Avec un important gisement d’ardoises jusque-là quasi inexploité, la ville de Labé avait la particularité d’avoir le plus grand nombre de maisons recouvertes de ces planchettes naturelles. Un mérite qui malheureusement se détériore du jour au lendemain, avec la démolition progressive de ce patrimoine au profil de maisons couvertes de tôles. Un changement qui passe mal chez des doyens qui tirent la sonnette d’alarme, au micro de Guinéenews.
« Effectivement, l’usage de la toiture en ardoise remonte d’après les explications au lendemain de la seconde guerre mondiale. C’est donc un Français qui a eu à déceler ce gisement d’ardoise à Thialakoun et qui en a fait l’usage. Donc ça a servi à couvrir beaucoup de bâtiments administratifs dont les principaux sont la préfecture, la poste, les logements sociaux, dans l’enceinte des TP (travaux publics) aussi où les bâtiments en question sont en train d’être rasés. La prison civile aussi était recouverte d’ardoises et dans certaines villes de la Guinée, parce que je me souviens qu’à Kankan, il y avait un bâtiment qui était aussi couvert d’ardoises », explique Mamadou Lamine Bah, commissaire divisionnaire de police à la retraite.
C’est très regrettable estime Elhadj Mamadou Diallo rencontré dans le quartier administratif de Labé. « Imaginez, depuis la période coloniale, jusqu’ à nos jours, c’est-à-dire un peu plus de 70 ans, des bâtiments comme la préfecture, la poste pour ne citer que les deux là, résistent toujours avec une toiture qui ne passe pas inaperçue. Cela devrait nous donner à réfléchir et nous pousser à exploiter cet important gisement d’ardoise que Dieu nous a donné. Mais au lieu de ça on est en train de démolir progressivement les bâtiments couverts en ardoise pour bâtir des immeubles. Dommage pour nous » regrette le doyen.
Revenant a la charge, le commissaire Lamine Bah sollicite l’intervention de l’État pour sauver ce qui reste de ce patrimoine bâti. « Ce qu’il faut retenir c’est que Labé avait ce cachet d’avoir beaucoup de maisons couvertes d’ardoise. Donc, on doit vraiment veiller à ce que ce cachet soit maintenu. Bien sûr que ça se comprend, ça s’explique c’est parce qu’il n’y a pas eu de relève depuis. C’est-à-dire, ceux qui ont été formés à la pratique de cette couverture ont pratiquement tous disparu et on peut dire que le goût est donc parti avec eux. C’est l’administration qui devrait faire en sorte de faire appel à des compétences extérieures pour, ne serait-ce que restaurer les bâtiments ou entretenir les couvertures en ardoises. En tout cas, ces toitures sont non seulement originales, esthétiques, mais surtout, elles sont solides, insonores et conservent la fraicheur dans la maison. En plus, si on reprend l’activité, cela va alléger le prix de revient d’une toiture, puisque la carrière est là, à ciel ouvert, à deux pas de la ville et l’Etat va gagner, de même que les citoyens. En plus, cela va permettre de former des ouvriers qualifiés et réduire le taux de chômage des jeunes. Et pourquoi pas, cette nouvelle expertise peut même s’exporter ailleurs, » lance-t-il.
Et de poursuivre : « c’est des bâtiments historiques qu’il faut préserver, même si c’est privé, l’État doit chercher à les maintenir. On prend l’exemple sur le Vatican, ça date des siècles, l’Élysée ça date des siècles, les châteaux de Versailles. Mais c’est toujours maintenu et à chaque fois que ça se détériore, on cherche à les restaurer mais en maintenant leur état d’origine. Le Kremlin, c’est la même chose ; la maison blanche avait été incendiée après la guerre d’indépendance par les Anglais qui s’étaient emparés de Washington. Mais ça a été reconstitué. Ici, on a perdu cette culture ; donc c’est une occasion pour que le ministère de la culture se saisisse de cela, pour préserver les patrimoines bâtis historiques » ajoute commissaire Lamine Bah.
Interpellé sur le sujet, l’inspecteur régional des mines et de la géologie fut très bref sur la question. « Les maisons recouvertes d’ardoises sont très jolies à voir à Labé, juste qu’il n’y a pas d’évolution avec ce genre de toiture alors qu’à moins de trois kilomètres du centre-ville, nous avons un important gisement d’ardoises de qualité » déclare Ibrahima Sory Sidibé.
Malgré tous les changements qu’on est en train de vivre, il faut saluer le maintien jusque-là des bâtiments historiques comme la poste et le bloc administratif préfectoral de Labé qui sont des symboles en matière de toitures couvertes d’ardoises en Guinée. On ose espérer que ceux-ci survivront à la modernité galopante.
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