MALI – Moins de 40 jours. C’est l’ultimatum lancé par le préfet, le colonel Manson Sangala Camara, aux habitants proches du camp d’infanterie de Mali. Une note circulaire, dont la diffusion a déjà semé l’émoi chez les riverains, exige le départ de tous les occupants se trouvant dans un périmètre de 50 mètres autour du camp. La date butoir est fixée au 5 septembre prochain.

Passé ce délai, les forces de sécurité seront mobilisées pour faire respecter cette décision. Les personnes récalcitrantes s’exposent à des poursuites pour « occupation illégale des domaines de l’État, refus et suspicion en vue de créer une insécurité aux alentours du camp et réticence« , selon le document (DÉGUERPISSEMENT MALI)consulté par Africaguinee.com.
Si un communiqué a été diffusé sur les ondes de la radio locale, aucune notification officielle n’est encore parvenue aux familles concernées, a appris Africaguinee.com. L’incertitude et l’inquiétude grandissent parmi les riverains. Des familles installées là depuis des décennies sont dans l’incompréhension totale.
Pour les habitants, cette annonce sonne comme un coup de massue. Le doyen Sadio Souaré, 78 ans, est l’un d’eux. Ce professeur à la retraite vit derrière le camp depuis 46 ans. « Je ne comprends rien, nos familles sont là. J’ai pensé que les limites ont été marquées entre nos habitations et le camp« , confie-t-il, angoissé. Il assure même disposer du plan de masse de sa parcelle et se souvient que rien n’avait été dit lors de la construction de la clôture du camp. « 50 mètres, c’est énorme. Imaginez un enseignant à la retraite qui n’a plus de force pour s’offrir une maison. À côté de moi, il y a assez de femmes veuves. Ce sont des familles qui vivent au jour le jour« , s’inquiète-t-il.
Un sentiment de préoccupation partagé par Elhadj Cellou Touré, 74 ans. Cet ancien commerçant, désormais agriculteur, réside dans cette zone avec sa famille depuis plus de 30 ans. « Jamais on ne nous a dit que c’est un problème d’y habiter« , déplore-t-il. Le septuagenaire pointe la présence d’une route entre leurs habitations et le camp. Selon lui, leurs maisons ne sont pas « contiguës directement au camp ».
“Récemment une mission gouvernementale est venue à Mali accompagnée du gouverneur. Je pense qu’ils ont dit que les kiosques et les boutiques créent de l’embouteillage à la rentrée principale du camp. Donc, il faudra les enlever (…). Depuis que nous sommes là, de nombreux chefs militaires se sont succédé au Mali mais personne ne nous a signifié que nous occupons des domaines publics de l’Etat. Jamais une menace de déguerpissement n’avait été brandie contre nous depuis. Et récemment la route qui nous sépare du camp a connu un terrassement en vue de son bitumage. Une route est entre nous et la cour du camp d’infanterie”, explique ce doyen.
L’absence de notification officielle ou de « croix » sur leurs maisons ajoute à la confusion. « Je connais l’emplacement des camps de Conakry comme Alpha Yaya et de Kindia, il n’y a qu’une ruelle de 10 mètres qui sépare le camp des habitations… Mais jamais 50 mètres comme il est dit à Mali« , a-t-il observé.
Kadidiatou Souaré, mère de six enfants, lance un appel désespéré au président Mamadi Doumbouya : « Nous sommes inquiets quand on demande à une mère de famille et à ses enfants de quitter leur domicile. Nous demandons à l’État de comprendre notre état d’âme et de nous laisser sur place parce que le camp est déjà entièrement clôturé. Mes enfants sont mineurs ; ils ne peuvent rien faire pour moi. Qu’on nous laisse sur place. Depuis que nous avons écouté ce communiqué à la radio rurale nous ne dormons plus. Où irons-nous après ? Aidez-nous Monsieur le président Mamadi Doumbouya, nous ne sommes que des pauvres et familles », implore-t-elle.
Un autre habitant, Mamadou Yaya Souaré, exprime son inquiétude face au calendrier de l’opération, qui intervient en pleine saison de pluie. « Nous n’avons pas les cœurs tranquilles, nous souhaitons qu’ils fassent une petite barrière entre le camp et le reste et qu’ils abandonnent cette affaire de 50 mètres, sinon les impactés seront nombreux. Nous éloigner complètement est une exagération. »
Le gouverneur de Labé appelle à la prudence
Face à la polémique, et en l’absence de réaction du préfet de Mali, le colonel Manson Sangala Camara (que nous avons tenté de joindre en vain), c’est le gouverneur de Labé, le colonel Robert Soumah, qui a tenté de clarifier la situation. Joint au téléphone, il a précise : « En fait pour le cas de Mali, j’ai demandé à ce qu’on envoie le plan cadastral du camp pour vérification s’il n’y a pas débordement sur les périmètres du camp« , a-t-il déclaré.
Le gouverneur insiste sur le fait que l’heure est d’abord à l’identification du plan du camp et de son titre foncier pour déterminer « si des parties ne sont pas empiétées« . Le premier responsable de la région de Labé a ajouté : « Après ça, on va informer tous ceux qui, à l’alentour du camp, ont débordé. On va leur demander de reculer pour leur propre sécurité. Nous sommes à une phase de vérification d’abord. »
Ces propos semblent contredire l’ultimatum de 40 jours annoncé dans la note circulaire. Les familles de Mali, dans l’attente d’une clarification, vivent dans l’angoisse de devoir tout abandonner.
Dossier à suivre !
Alpha Ousmane Bah
Pour Africaguinee.com
Créé le 2 août 2025 07:46
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