Selon les dernières statistiques publiées par l’ANSS (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire) en date du 22 juillet 2025, la Guinée recense 271 cas confirmés de variole du singe (Mpox), dont 55 guérisons et un décès enregistré en milieu hospitalier. Les données révèlent également que 70 % des personnes infectées sont des hommes, contre 30 % de femmes. Alors que l’épidémie continue de se propager sur le territoire, le virologue Professeur Taliby Dos Camara revient, dans une interview exclusive accordée à notre rédaction, sur les moyens de prévention et les enjeux sanitaires liés à cette maladie.
AFRICAGUINEE.COM : Professeur Camara, pour commencer, qu’est-ce que la variole du singe, aussi appelée Mpox ?
Pr. Taliby Dos CAMARA : Je dirais simplement que la Mpox encore appelée variole du singe, est une maladie infectieuse grave causée par un virus apparenté à celui de la variole humaine.
Comment se manifeste cette maladie chez l’homme ? Quels sont les principaux signes cliniques à surveiller ?
La Mpox se manifeste par une éruption cutanée, souvent accompagnée de fièvre et de ganglions lymphatiques enflés. La maladie se transmet principalement par contact étroit avec une personne infectée, que ce soit par contact direct avec les lésions cutanées, les fluides corporels, ou indirectement par des objets contaminés.
Peut-elle entraîner des complications sévères, voire mortelles ?
La Mpox est une maladie grave qui peut provoquer diverses complications chez le sujet contaminé, surtout chez les jeunes enfants et les personnes atteintes de pathologies chroniques comme le diabète, la leucémie, l’insuffisance urinaire, l’insuffisance hépatique, la leucopénie, le VIH/SIDA ou simplement chez les immunodéprimés.
Les complications possibles incluent des surinfections bactériennes de la peau, des infections oculaires pouvant entraîner une perte de vision, une septicémie, des infections pulmonaires (pneumonie), des atteintes cardiaques (myocardite), ou des atteintes neurologiques (encéphalite). Dans certains cas, des complications graves peuvent nécessiter une hospitalisation et un traitement antiviral.
La Mpox peut être mortelle, bien que le taux de mortalité soit généralement faible. La maladie se résorbe généralement d’elle-même en quelques semaines, mais dans de rares cas, elle peut devenir grave et entraîner la mort, notamment chez les personnes immunodéprimées, les femmes enceintes et les jeunes enfants.
Comment la variole du singe se transmet-elle entre humains ? Le contact direct est-il la seule voie ?
La variole du singe se transmet d’humain à humain (anthroponose) principalement par contact direct avec les lésions cutanées, les croûtes, les fluides corporels (sang, salive, sperme) ou les muqueuses d’une personne infectée. Cette transmission peut avoir lieu lors de contacts physiques étroits, notamment lors de rapports sexuels, ou par contact avec des objets contaminés comme le linge de lit ou les vêtements.
Peut-on contracter le virus en consommant de la viande de brousse ou au contact d’animaux sauvages ? Si oui, lesquels ?
Affirmatif. Il est possible de contracter certains virus, notamment des zoonoses comme Ebola ou la COVID-19, la variole du singe peut être transmise en consommant de la viande de brousse ou en étant en contact avec des animaux sauvages infectés. La transmission peut se faire par contact direct avec un animal infecté, ses fluides corporels, ou en consommant de la viande mal cuite provenant d’un animal porteur du virus.
Les recherches sont en cours pour déterminer l’éthologie du virus de la variole du sang. C’est pourquoi, il est difficile de dire sans risque de se tromper quels sont les réservoirs animaux de ce virus. Il est donc crucial de manipuler et de consommer la viande de brousse avec précaution, en évitant le contact direct avec la peau et en s’assurant d’une cuisson adéquate pour détruire les agents pathogènes.
Quelles sont les catégories de population les plus vulnérables face à cette maladie (enfants, personnes âgées, immunodéprimés, etc.) ?
Comme je l’ai dit un peu plus haut, les personnes les plus vulnérables face à la Mpox sont celles ayant des contacts étroits et répétés avec une personne infectée, notamment par relations sexuelles non protégées et celles dont le système immunitaire est affaibli. Les enfants et les personnes immunodéprimées, telles que celles vivant avec le VIH, sont également plus susceptibles de développer des complications face à la variole du singe.
Que doit faire, selon vous, le ministère de la Santé pour contenir la propagation du virus à ce stade ?
Pour contenir la propagation de la variole du singe, le Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique doit prendre les mesures idoines pour éviter la propagation si un seul cas est enregistré dans le pays. Ces mesures passent nécessairement par l’isolement des cas confirmés, la recherche et la surveillance des contacts, et la vaccination ciblée des personnes à risque. Il est également crucial de renforcer la sensibilisation du public aux symptômes, aux modes de transmission et aux mesures de prévention.
Existe-t-il un traitement spécifique ou un vaccin actuellement disponible en Guinée contre la variole du singe ?
Non, à ma connaissance pour le moment, il n’existe pas de vaccin en République de Guinée. Comme plusieurs autres maladies virales qui circulent en Guinée, il n’y a pas de traitement spécifique contre la variole du singe disponible. Cependant, il y a des traitements symptomatiques pour soulager la douleur et la fièvre, et des mesures d’isolement sont recommandées pour éviter la propagation du virus.
Le système de santé guinéen est-il prêt à faire face à une éventuelle flambée de cas ?
A ce jour, il est difficile voire très difficile de répondre avec certitude à cette question si le système de santé guinéen est totalement prêt à faire face à une flambée de Mpox. Cependant, la Guinée doit avoir tiré des leçons de l’épidémie d’Ebola de 2014 et renforcé son système de santé mais des défis persistent, notamment en termes d’infrastructures, de ressources financières et de personnel.
Pour répondre à la deuxième question, je dirais simplement qu’en République de Guinée, la lutte contre la variole du singe présente à la fois des atouts et des faiblesses. Parmi les atouts, on peut citer l’expérience acquise dans la gestion de grandes épidémies comme Ebola et la COVID-19, la présence de Centres d’Opérations d’Urgence (COU) et sa capacité de réponse aux questions de santé publique. Cependant, des faiblesses persistent, notamment un accès limité aux soins de santé dans certaines zones, des ressources humaines qualifiées insuffisantes, de matériels, de vaccins et des problèmes de sécurité humaine, notamment en termes d’accès à l’éducation pour tous et à l’emploi bien que des progrès sont enregistrés ces dernières années avec le recrutement des jeunes pour les différentes structures sanitaires du pays.
Quels sont les gestes de prévention que vous recommandez à la population pour limiter les risques d’infection ?
De façon basique, les mesures de prévention recommandent un lavage à l’eau et au savon ou par friction hydro-alcoolique après un geste qui salit les mains et avant un geste propre. Pour l’hygiène des locaux, il est préconisé que le nettoyage doit être routinier et la désinfection, c’est l’exception.

En cas de contamination ou en cas de contact avec du sang potentiellement contaminé, il est crucial d’agir rapidement pour minimiser les risques d’infection. Les mesures à prendre incluent la désinfection immédiate de la zone touchée, la recherche d’avis médical, et dans certains cas, la vaccination ou un traitement préventif est recommandé.
Que doivent faire les personnes qui présentent des symptômes suspects ? Faut-il consulter immédiatement un médecin ou s’isoler ?
En cas de symptômes suspects de la Mpox, il est crucial de s’isoler immédiatement et de contacter un professionnel de santé (médecin traitant). En attendant l’avis médical, il est recommandé d’éviter tout contact avec d’autres personnes et de couvrir les lésions cutanées lors des déplacements pour éviter de contaminer d’autres personnes.
Y a-t-il des consignes particulières pour les agents de santé en première ligne face à cette maladie ?
Affirmatif. Comme toutes les maladies infectieuses, il existe des consignes spécifiques pour les agents de santé en première ligne face à la Mpox, notamment en matière de prévention et de contrôle des infections. Ces consignes visent à protéger les professionnels de santé et à limiter la propagation du virus. Voici quelques-unes des consignes principales:
Équipement de protection individuelle (EPI): Les agents de santé doivent utiliser un EPI approprié, comprenant des gants, un masque, une blouse et des lunettes de protection, lors de la prise en charge des patients suspects ou confirmés de Mpox.
Isolement des patients: Les patients suspects ou confirmés de Mpox doivent être isolés dans une chambre individuelle, avec une porte fermée, dès leur arrivée à l’établissement de soins de santé.
Hygiène des mains: Les agents de santé doivent se laver fréquemment les mains avec de l’eau et du savon ou une solution hydro-alcoolique, surtout après tout contact avec le patient ou son environnement.
Précautions lors des soins: Les soins aux patients atteints de Mpox doivent être effectués avec le plus grand soin, en évitant tout contact direct avec les lésions cutanées.
Désinfection de l’environnement: Les surfaces et équipements potentiellement contaminés par le virus doivent être nettoyés et désinfectés régulièrement.
Formation et information: Les agents de santé doivent être formés aux mesures de prévention et de contrôle de l’infection liées à la Mpox, et doivent être informés des dernières recommandations.
Surveillance: Une surveillance attentive de l’état de santé des agents de santé est également recommandée, afin de détecter rapidement tout signe d’infection.
En cas de suspicion d’exposition, les agents de santé doivent:
- Informer immédiatement leur supérieur hiérarchique et le service de prévention et contrôle des infections de leur établissement.
- Suivre les recommandations spécifiques de leur établissement en matière de surveillance et de prise en charge.
Il est important de souligner que ces consignes peuvent être amenées à évoluer en fonction de la situation épidémiologique et des nouvelles données scientifiques. Les professionnels de santé doivent donc se tenir informés des dernières recommandations de leur établissement et des autorités sanitaires du pays.
En tant que virologue, quelles leçons tirez-vous de cette résurgence de la variole du singe en Afrique de l’Ouest ?
Je dirais simplement que la leçon à tirer face à la résurgence de la variole du singe en Afrique de l’Ouest, ce qu’elle met en lumière l’importance de la surveillance, de la prévention et de la sensibilisation des populations dans la lutte contre les maladies infectieuses. Il est crucial de mieux comprendre les modes de transmission, notamment les liens zoonotiques (transmission animale), anthroponotiques (transmission inter-humaine), antrhropozoonotiques (transmission humaine et animale, vis-versa), sapronotiques (transmission environnementale) et de mettre en œuvre des stratégies de prévention efficaces pour limiter la propagation de la maladie de la variole du singe en République de Guinée.
La Guinée est-elle suffisamment équipée pour détecter rapidement d’autres zoonoses émergentes ? Où en est la surveillance épidémiologique ?
La République de Guinée a connu dans ces dix dernières années cinq épidémies mais pas les moindres et elle a tiré des leçons. C’est pourquoi, je dirais qu’elle a fait des progrès dans la détection des zoonoses, mais des défis subsistent pour la détection rapide d’autres maladies émergentes. Le pays a mis en place des programmes de surveillance et de formation, mais le renforcement des systèmes de santé et la couverture sanitaire restent des priorités.
Pour la surveillance des épidémies, les dernières le pays a enregistré depuis 2014, la période au cours de laquelle la Guinée a fait face à Ebola, à la rougeole, la rubéole, la fièvre de Lassa et au Marburg, la COVID-19, la toxoplasmose et la Mpox. En réalité, je ne dispose pas de données statistiques fiables pour ces épidémies. Ce qui est certain, les agents responsables de ces épidémies continuent de circuler dans notre pays.
Selon vous, quelle stratégie durable devrait être mise en place pour prévenir la propagation future de maladies zoonotiques comme la variole du singe ?
Pour prévenir la propagation future de maladies zoonotiques comme la variole du singe en République de Guinée, une stratégie durable devrait intégrer la surveillance, la réduction des contacts humains-animaux, l’amélioration des pratiques agricoles et d’élevage et la sensibilisation des populations sur les risques liés de contamination des agents infectieux responsables de diverses pathologies. Il est crucial de renforcer les systèmes de surveillance pour une détection précoce et une réponse rapide, ainsi que d’éduquer les communautés sur les risques et les mesures préventives.
D’où vient la nouvelle vague de cas enregistrée ? Est-elle liée à un foyer connu ?
La nouvelle vague de cas de Mpox enregistrée trouve son origine dans une recrudescence du virus dans certains pays d’Afrique, notamment en République démocratique du Congo (RDC), où le fardeau de la maladie est le plus lourd, et où une souche plus virulente du virus est signalée. Cette situation a conduit à une augmentation des cas dans plusieurs pays, y compris des cas importés, et à une inquiétude accrue concernant la propagation du virus, notamment un nouveau variant, le clade 1b.
Ce qui est important à retenir, la Mpox est originaire d’Afrique, et la nouvelle vague de cas est liée à une recrudescence dans des pays comme la République Démocratique du Congo (RDC), où le virus circule activement depuis plusieurs années. Le nouveau variant du virus, le clade 1b, a été identifié, potentiellement plus transmissible et plus grave, et il est à l’origine de cas en Europe, notamment en Suède et en France.
Est-ce qu’il y a possibilité d’une vaccination préventive pour les populations à risque, comme les soignants ou les personnes vivant en zones forestières ?
Je dirais OUI. Il existe une vaccination préventive pour les populations à risque de la Mpox. Cette vaccination est recommandée pour les personnes considérées comme ayant un risque élevé d’exposition au virus, notamment les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) ayant des partenaires multiples, les personnes trans-sexuelles ayant des partenaires multiples, les travailleurs du sexe et les professionnels des lieux de consommation sexuelle.
Le vaccin utilisé pour la Mpox est le MVA-BN, également connu sous les noms de Jynneos® et Imvanex®. Il s’agit d’un vaccin vivant atténué non réplicatif, dérivé de la souche de vaccine MVA-BN, cultivée sur des fibroblastes d’embryon de poulet. Ce vaccin est autorisé au Canada pour la vaccination en préexposition des personnes à haut risque d’exposition aux orthopoxvirus, y compris le virus de la Mpox. Il est administré par voie sous-cutanée en deux doses, avec un intervalle d’au moins 28 jours entre les deux doses.
Votre mots de la fin?
Je vous remercie très sincèrement pour le choix porté sur ma personne pour parler du virus responsable de la variole du singe en République de Guinée ainsi de tous les problèmes sanitaires qui assaillent les populations guinéennes en cette période cruciale de la vie de la nation.
Interview réalisée par Sayon CAMARA
Pour Africaguinee.com
Créé le 29 juillet 2025 08:57
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