6:07 pm - 8 juillet, 2025

Achoura, que l’on nomme dans nos contrées « Djouldé Djombenté », semble hélas s’effacer insensiblement de notre patrimoine cultuel. Si aujourd’hui nombre de nos compatriotes n’y prêtent plus guère attention, elle demeure pour moi un souvenir d’une préciosité rare, indissociable des jours lumineux de mon enfance à Yembering, et plus précisément dans mon village natal de Baradji.

Je prenais part avec ferveur à cette célébration, fixée au dixième jour du mois sacré de Mouharram, aux côtés de mes compagnons d’enfance. Je reste intimement persuadé qu’une telle tradition religieuse ne saurait être reléguée aux marges de nos préoccupations, tant elle s’inscrit au cœur même des fondements de l’islam.

À l’époque, dès la nuit tombée, aux environs de 19 heures, nous nous rendions auprès des proches établis dans les hameaux alentour, sollicitant humblement leurs largesses. Nous élevions alors nos voix, entonnant en chœur ces refrains : « Salia, salia, Wa Rabi Salima Sali, Wa Tay Banna Badaa Wala Mouhamadi Na Kha Saibhé. Ko Hikkha ka toun, Ko Hikka toun, ko arata mein aarata, yo Allah Dikkin Gnaoubhébhén, yo Allah Artir Yabhébhén, yo Fewnou Maibhé ben Wala Mouhamadi Na Kha Saibhé. »

Les jeunes filles, quant à elles, avaient leur propre cantique, Iloyoréré, dont je n’ai malheureusement conservé que la sonorité mystérieuse de ce seul mot. Nous repartions le cœur léger, comblés de présents variés, qu’ils fussent en nature ou en monnaie sonnante — souvent de modestes billets de 50 ou 100 GNF. Quand certains, plus austères, refusaient de nous gratifier, la déception enfantine se muait parfois en espièglerie regrettable : nous allions alors jusqu’à arracher quelques jeunes pousses de maïs, d’arachides ou de manioc. Que le Très-Haut nous absout pour ces facéties innocentes.

Au lendemain des réjouissances, il était de coutume de s’éveiller à l’aube pour procéder aux ablutions, afin d’éviter ces redoutés « lebhi baré » (poils de chien). C’était aussi l’occasion de se purifier loin du « Dounkiré », en s’aspergeant d’une eau mêlée à la terre rouge d’argile, celle-là même que l’on utilisait pour façonner les briques.

À mes yeux, cette fête ne doit sous aucun prétexte s’éteindre, tout comme ne sauraient disparaître les fastes du Ramadan ou de la Tabaski. Car elle porte en elle l’essence de nos valeurs : bienveillance, partage, concorde et solidarité.

Pour sauvegarder cet héritage immatériel, il conviendrait non seulement de raviver la célébration au sein des foyers, mais encore d’organiser des rassemblements communautaires, véritables passerelles entre générations, où se conjugueraient harmonieusement tradition et modernité. Il serait tout aussi judicieux de consigner et de partager la mémoire de cette fête, par l’écrit ou au moyen de supports numériques, afin qu’elle soit transmise intacte à la postérité.

Enfin, l’éducation joue ici un rôle déterminant : des ateliers et cercles de discussion, organisés dans nos centres communautaires, pourraient sensibiliser la jeunesse à la portée d’Achoura et aux nobles valeurs qu’elle incarne. Quant aux médias, ils auraient vocation à magnifier et diffuser largement cette tradition séculaire, contribuant ainsi à sa renaissance et à sa pérennité.

Safayiou DIALLO
Économiste



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