Maladie génétique héréditaire la plus répandue au monde, la drépanocytose touche particulièrement l’Afrique subsaharienne, où se concentrent près de la moitié des porteurs sains. Chaque année, entre 300 000 et 500 000 enfants naissent atteints de cette pathologie, et la Guinée n’est pas épargnée. Pourtant, la maladie reste largement méconnue, et les efforts de prise en charge encore trop insuffisants.
Ce vendredi 13 juin 2025, la Fédération guinéenne des personnes atteintes de drépanocytose (FEGUIPAD) a officiellement lancé ses activités lors d’une conférence de presse à l’Université Koffi Annan. L’objectif : sensibiliser, prévenir et améliorer la prise en charge des malades, dans un pays où le sujet demeure trop souvent relégué au second plan.
La FEGUIPAD regroupe plusieurs ONG impliquées dans la lutte contre la drépanocytose en Guinée, dont DREPANO-ENDHOPE Guinée, la Fondation DREPANO-SOGI, l’Association des Drépanocytaires de Guinée, DREPA-GUINÉE et le Réseau d’action contre la drépanocytose. Sa coordinatrice, Saidatou Ly, a dressé un tableau ambitieux : inscrire la maladie dans les priorités du système de santé, améliorer les traitements, faciliter l’accès aux médicaments et services de laboratoire, renforcer la sensibilisation dans les écoles et les médias, et surtout créer un véritable plaidoyer pour mobiliser davantage de ressources.
« Notre ambition est de créer une plateforme forte pour le plaidoyer, d’améliorer la prise en charge, le dépistage néonatal, et la formation des professionnels de santé pour une réponse plus adaptée à cette maladie », a-t-elle précisé.
Le professeur Mamady Diakité, spécialiste de la drépanocytose, a, quant à lui, tiré la sonnette d’alarme. En l’absence d’enquête nationale exhaustive, les estimations reposent sur des études locales, mais les chiffres donnent le vertige.
« En Guinée, on estime qu’au moins 10 % de la population serait drépanocytaire. Si l’on applique ce taux à la population nationale, cela représente des centaines de milliers de personnes, dont la majorité ignore leur statut », a-t-il déploré.
Selon le professeur Diakité, cette méconnaissance constitue un frein majeur à la lutte contre la maladie. « Celui qui connaît son statut peut se prendre en charge, éviter certaines complications, et empêcher la transmission à ses enfants. Mais aujourd’hui, trop de Guinéens vivent dans l’ignorance », a-t-il martelé.
À l’hôpital national Ignace Deen de Conakry, entre 1 200 et 1 500 patients drépanocytaires sont actuellement suivis. Une file active qui témoigne à la fois de la prévalence de la maladie et du manque criant de structures adaptées.
« Chaque patient a un programme de suivi individuel. Nous gérons les crises aiguës, mais aussi l’accompagnement psychosocial, pour atténuer les effets du stress et prévenir les complications graves. Cela ne les élimine pas toujours, mais cela les retarde, et améliore la qualité de vie », explique le professeur Diakité.
La drépanocytose est bel et bien reconnue par l’État guinéen comme une maladie prioritaire dans le cadre du programme national de lutte contre les maladies non transmissibles. Mais dans les faits, les malades continuent d’affronter une double peine : souffrance physique et invisibilité institutionnelle.
Sans politique nationale de dépistage, sans campagne massive d’information, sans financement conséquent pour la recherche et les soins, la lutte contre cette maladie reste largement tributaire de l’engagement des ONG et des initiatives individuelles.
La FEGUIPAD espère désormais fédérer ces efforts et peser davantage sur les politiques publiques. Pour que la drépanocytose ne soit plus une fatalité silencieuse, mais un combat de santé publique à la hauteur des enjeux.
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