Parfois, une simple taquinerie entre amis peut éveiller un regard neuf sur ce que l’on croyait acquis. C’est ainsi qu’un échange anodin m’a conduit à redécouvrir, avec des yeux neufs, la richesse humaine de la Guinée — non pas à travers ses infrastructures, mais à travers ses visages, ses traditions, et son âme profonde.
Conakry, 8h du matin
La ville s’éveille dans une effervescence familière. Les klaxons se mêlent au chant des muezzins, les vendeuses installent leurs étals, et le thé brûlant circule de main en main dans les kiosques de quartier. Pourtant, au-delà du tumulte apparent, il règne ici une forme d’harmonie. Une manière d’habiter le temps, d’accueillir la journée avec sérénité. Ce matin-là, je suis frappé par la gentillesse d’un inconnu qui m’indique mon chemin — non pas avec indifférence, mais avec un réel sens du devoir. Ce geste n’a rien d’exceptionnel ici ; il est coutume. Il est culture.
Un peu plus loin, dans un village de la Moyenne Guinée
Je suis reçu comme un parent perdu de vue depuis longtemps. On m’offre de l’eau, du riz, des mots doux, des bénédictions. Le griot du village, mémoire vivante de la communauté, entonne un chant ancien pour honorer l’hôte. Ce n’est pas de la mise en scène, mais un art de vivre hérité des grands royaumes. Ici, l’étranger est sacré. On ne demande pas d’où tu viens, mais ce dont tu as besoin. La relation humaine prime sur la condition sociale. Le lien précède la logique.
« L’étranger est un envoyé du ciel. S’il frappe à ta porte, c’est que Dieu t’envoie une bénédiction. » – Proverbe peul, transmis depuis des générations.
Ce n’est donc pas un hasard si, encore aujourd’hui, il suffit de se présenter à un inconnu dans un village pour être reçu avec honneur. C’est une logique de civilisation, pas simplement de coutume.
Une conversation au détour d’un marché à Kindia
Une commerçante me lance : « Ici, même si on n’a rien, on partage ce qu’on a. C’est ça, être guinéen. » Ces paroles me touchent plus que mille discours. Car au-delà des statistiques, des rapports de développement et des projets de réformes, ce sont ces valeurs vivantes qui bâtissent une nation. Et ce sont elles qui, à mes yeux, font de la Guinée un véritable paradis. Non pas un paradis figé, parfait, mais un paradis vivant, imparfait et profondément humain.
Scène de vie à Kankan : le partage comme loi non écrite
Un jour, dans un quartier populaire de Kankan, je me suis arrêté devant un vendeur de maïs grillé. Je voulais acheter un épi. À côté, un jeune homme que je ne connaissais pas paye pour moi sans un mot, avec un sourire. Je m’insurge gentiment : « Mais je peux payer ! » Il rétorque avec simplicité : « Ici, on ne laisse pas le visiteur payer seul. »
Ce geste m’a bouleversé. Pas pour sa valeur monétaire, mais pour la philosophie qu’il incarne : en Guinée, être ensemble prime sur avoir.
Guinée, terre de contraste, mais surtout terre de cœur
Oui, ses routes ont besoin d’être rénovées, ses écoles mieux équipées, ses hôpitaux modernisés. Mais ce que l’on ne pourra jamais acheter, importer ni imiter, c’est cette capacité d’accueil, ce sens du partage, cette dignité tranquille qui habite chaque coin du pays. De Labé à Kankan, de Boké à N’Zérékoré, la même générosité irrigue les relations humaines.
Un regard nouveau sur une richesse invisible
Mon voyage, ponctué de rires, d’anecdotes, de gestes de solidarité et d’histoires partagées autour du feu, m’a rappelé une vérité essentielle : le développement ne se mesure pas uniquement en mètres de goudron ou en mégawatts. Il se lit dans les regards, il s’écoute dans les silences, il se vit dans l’accueil.
Alors, à ceux qui voient la Guinée uniquement par le prisme de ses manques, je dis ceci : regardez mieux. Écoutez plus. Ressentez. Car derrière chaque sourire guinéen, se cache un peuple qui résiste, qui espère, et surtout… qui aime.
A bon entendeur salut ! D’ici-là, merci de contribuer au débat.
Elhadj Aziz Bah
Caroline Du Nord, USA
*Note de l’auteur : Acceptons la pluralité d’idées. Pas d’injures, et rien que d’arguments.
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