« L’armée guinéenne, comment et pour quoi faire ? » réformer l’armée pour refonder l’État, la Guinée face à son histoire militaire          Â
Dans son nouvel ouvrage « L’armée guinéenne, comment et pour quoi faire ? », le chercheur et consultant international Mamadou Aliou Barry retrace plus de soixante ans d’histoire militaire guinéenne. Il y plaide pour une armée républicaine, dépolitisée et au service d’un véritable État de droit.
De l’indépendance à la politisation de l’armée    Â
Depuis 1958, l’armée guinéenne a accompagné, puis souvent devancé, les soubresauts politiques du pays. À l’indépendance, sous Ahmed Sékou Touré, l’armée nationale naît dans l’euphorie révolutionnaire. Instrument de souveraineté, elle devient rapidement un outil de pouvoir, façonné par la peur de l’ingérence étrangère et par une logique de loyauté politique plutôt que professionnelle.
« L’armée guinéenne a été trop longtemps un prolongement du pouvoir, non une institution au service de la République », écrit Mamadou Aliou Barry. Les années de méfiance et de purges internes sous le régime de Sékou Touré (1958-1984) ont profondément marqué la culture militaire. L’armée, censée protéger l’État, a souvent été perçue comme un instrument de contrôle.
Les années de transition et la militarisation du pouvoir Â
Avec la mort de Sékou Touré en 1984, le coup d’État du colonel Lansana Conté ouvre une nouvelle ère, mais sans véritable rupture. L’armée continue de jouer un rôle politique central, parfois au détriment des institutions civiles.
Les crises militaires de 2008 et la prise du pouvoir par le capitaine Moussa Dadis Camara ont rappelé combien la frontière entre autorité armée et gouvernance politique restait fragile. La décennie suivante, marquée par les présidences d’Alpha Condé (2010-2021) et de Mamadi Doumbouya (depuis 2021), n’a pas totalement dissipé cette ambiguïté.
« La réforme du secteur de la sécurité ne peut réussir sans une dépolitisation réelle et durable de l’armée », souligne l’auteur.

Professionnaliser pour pacifier     Â
Dans son analyse, Mamadou Aliou Barry appelle à une restructuration profonde et à une professionnalisation des forces armées. Pour lui, la stabilité politique de la Guinée dépend directement de la capacité de l’armée à se transformer en une institution moderne, disciplinée et respectueuse de la légalité républicaine. « La véritable armée nationale est celle qui protège l’État de droit, non celle qui protège un régime. » Il insiste sur la nécessité d’inculquer aux militaires une culture civique solide, leur permettant de rejeter les ordres illégaux et d’intégrer la défense des droits humains dans la doctrine nationale de sécurité.
Une réflexion pour l’Afrique de l’Ouest   Â
L’ouvrage s’inscrit aussi dans un contexte régional marqué par la recrudescence des coups d’État en Afrique de l’Ouest. Pour l’auteur, les transitions politiques récentes au Mali, au Burkina Faso et au Niger doivent servir de leçon : sans réforme du secteur de la sécurité, aucun État ne peut prétendre bâtir une démocratie stable.
Docteur en droit international public, directeur du Centre d’analyse et d’études stratégiques (CAES) de Guinée et chercheur associé à l’Institut de prospective et de sécurité en Europe (IPSE), Mamadou Aliou Barry s’impose comme une voix influente sur les questions de gouvernance militaire en Afrique. « La refondation de l’armée guinéenne est le passage obligé vers l’émergence d’un véritable État de droit », conclut-il.
Un essai de référence          Â
Avec « L’armée guinéenne, comment et pour quoi faire ? », l’auteur offre un outil de réflexion destiné aux décideurs politiques, officiers supérieurs, chercheurs et citoyens engagés. Ce livre s’impose comme une lecture incontournable pour comprendre les enjeux de la réforme militaire en Guinée et, plus largement, en Afrique francophone.
Parution 7 octobre 2025
« Collection Études africaines »
Éditions L’Harmattan

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