La décision du Tribunal de première instance (TPI) de Kindia, condamnant Mohamed 1 Camara à 10 ans de prison ferme pour le vol de téléphones appartenant aux enfants du défunt Moussa Koffoé, suscite une vive réaction dans le monde judiciaire guinéen.
Me Pépé Antoine Lamah, avocat, a exprimé son indignation face à ce qu’il perçoit comme une flagrante incohérence de la justice.
‘’Dix ans de prison pour un voleur de téléphone, quatre ans seulement pour un voleur de millions de dollars. Où est la cohérence de notre politique pénale ?’’, s’est-il interrogé, soulignant une fracture entre la répression des petits délits et celle des crimes économiques majeurs : ‘’Décidément, plus tu voles, moins tu risques ; moins tu voles, plus tu risques’’.
Bien que la condamnation de Mohamed 1 Camara soit, selon Me Pépé Antoine Lamah, juridiquement conforme à l’article 374 du Code pénal guinéen, l’avocat insiste sur la nécessité de ne pas se limiter à une lecture stricte de la loi. Il pointe du doigt le contexte humain et social qui entoure l’affaire.
‘’Cet article prévoit une peine d’emprisonnement de trois (3) à dix (10) ans, assortie d’une amende de 1.000.000 à 5.000.000 GNF, ou de l’une seulement de ces deux peines. En l’espèce, le juge a fait le choix d’appliquer la peine maximale, sans accorder la moindre circonstance atténuante’’, a-t-il souligné.
‘’Certes, le comportement du prévenu, qui s’est éhontément approprié les biens de pauvres orphelins, récemment endeuillés par la perte tragique de leur père, est moralement condamnable. Un tel acte, perpétré dans un contexte de deuil, trahit une profonde défaillance morale et mérite d’être fermement réprimé. Mais faut-il, pour autant, anéantir l’avenir d’un jeune primo-délinquant en l’écrasant sous le poids de la peine maximale prévue par la loi ? Faut-il ignorer les principes fondamentaux de justice restaurative, d’amendement du délinquant et de proportionnalité de la peine ?’’, s’est questionné Me Lamah.
Selon lui, ‘’à l’heure où la société guinéenne s’interroge sur la cohérence de sa politique pénale, force est de constater qu’une peine de dix ans d’emprisonnement pour le vol de biens matériels, même aggravé, jure cruellement avec d’autres décisions de justice récentes. Nombreux sont, en effet, les cas de viols ou de détournements de plusieurs millions de dollars, pour lesquels les auteurs ont écopé de deux à quatre ans de prison, suscitant incompréhension et frustration dans l’opinion publique’’.
C’est pourquoi, il appelle le ministère public à interjeter appel. ‘’Au nom de la tolérance religieuse, de la qualité de primo-délinquant du prévenu, et du besoin impératif de cohérence dans l’application des peines, il apparaît nécessaire que le ministère public exerce un appel dans l’intérêt de la loi et de la société tout entière’’, a-t-il suggère
Pour lui, ‘’cette démarche ne viserait pas à absoudre le prévenu, ni à minimiser la gravité de son acte, mais plutôt à rétablir un équilibre juste entre la sanction, la réinsertion, et les exigences d’une justice équitable, humaine et cohérente. Elle traduirait aussi la volonté de la République de ne pas condamner plus lourdement le faible que le puissant, de ne pas punir plus sévèrement la pauvreté que la prédation économique, et surtout, de restaurer la confiance des citoyens dans l’institution judiciaire’’.
Pathé BAH, pour VisionGuinee.Info
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