Nzérékoré : un bébé meurt avoir inhalé du gaz lacrymogène dans des heurts à Gouécké

L’orphelinat Saint-Kizito de la commune rurale de Gouécké, localité située à 40 kilomètres de la ville de Nzérékoré, a été le théâtre de violences le vendredi 6 juin 2025. C’est suite à conflit domanial que les événements ont dégénéré. Lors des heurts, un nourrisson d’un mois, du nom de Roger Piantony, a perdu la vie après avoir inhalé du gaz lacrymogène utilisé par les forces de sécurité pour rétablir l’ordre.

La situation avait viré à l’affrontement, entraînant l’agression de la religieuse Nônô Françoise Kpoghomou, responsable de l’orphelinat, par les forces de l’ordre. Interrogé par VisionGuinee, le père Roger Piantony Monèmou, prêtre du diocèse de Nzérékoré, a expliqué les circonstances qui ont coûté la vie au bébé, dont il est l’homonyme.

‘’C’est le vendredi passé que l’acte s’est produit. Après les événements, on a constaté que pratiquement tous les enfants faisant de la diarrhée, des vomissements et avaient des difficultés respiratoires. C’est pourquoi, nous avons demandé à quelqu’un de nous aider à voir un pédiatre. C’est ce lieu qui a examiné tous les enfants. Par la suite, il y a eu trois cas qui étaient un peu critiques, et on nous a demandé de les transférer directement à l’hôpital régional de Nzérékoré. Nous sommes arrivés là entre 17h et 18H. On a examiné le bébé qui avait le plus de mal. Il s’appelait Roger. On a fait quelques prescriptions. On est allé acheter les produits, et à mon retour, on m’a informé de son décès. L’enfant avait juste 1 mois’’, a-t-il expliqué.

Poursuivant ses explications, le père Roger nous raconte comment le nourrisson a inhalé le gaz lacrymogène. ‘’C’était un problème domanial qui opposait un jeune du village, qui est basé à Gouécké, et un petit village à côté de Gouécké. C’est un domaine, je crois, de plus de 102 hectares, un domaine litigieux. La justice avait mis la main sur le domaine, interdisant de travailler là. Je ne sais pas comment ça s’est passé, mais il y a un autre village qui avait fait un grand champ de riz là-bas. Donc, on a signalé à la justice, et la justice a envoyé des militaires pour empêcher les femmes de travailler. Il y a même eu des arrestations, et certains ont été envoyés directement à Nzérékoré’’.

‘’Il y a eu des soulèvements du côté du village à Goueké avec la jeunesse. C’est ainsi que deux véhicules sont descendus là-bas pour maintenir l’ordre. Ils sont arrivés à Gouécké. Ils ont traversé, il y avait un autre véhicule du côté de l’entrée, et l’orphelinat est vers la sortie de Gouécké. Ils se sont arrêtés à l’orphelinat, devant la cour. Les manifestants avaient mis des barricades pour bloquer la route. Les forces de sécurité étaient en train de les disperser.  Il y avait un jeune prêtre qui était là, qui venait vers les manifestants pour les calmer, leur demander de se disperser et de rentrer pour apaiser la situation. Les agents étaient juste à l’orphelinat. Ils tiraient des gaz lacrymogènes. Ils ont jeté plus de trois, quatre, cinq gaz lacrymogènes dans la cour de l’orphelinat où les enfants ont entre 0 et 15 ans.  Tous les enfants étouffaient. On était en train de les évacuer vers un autre bâtiment. Pendant l’évacuation, ils ont encore jeté des gaz dans la cour’’, a-t-il précisé.

‘’J’étais un peu paniqué. C’est ainsi que la responsable, la vieille religieuse, est sortie pour demander aux forces de sécurité de nous évacuer, parce que dans la cour, il n’y avait que des enfants et des orphelins, pas de manifestants. En leur plaidant, un agent lui a dit : ‘vous êtes des religieuses, vous êtes là. Qu’est-ce que vous faites pour sensibiliser la communauté ?’ La religieuse a répondu que ce qui concernait la communauté était une chose, mais que l’urgence, c’étaient les enfants qui étouffaient à cause du gaz. Comme les agents ne la comprenaient pas, elle a sorti son téléphone pour appeler nos responsables hiérarchiques, c’est-à-dire les responsables de l’Église. Un militaire est rentré dans la cour et a pris le téléphone de la religieuse. Elle a réclamé son téléphone, car elle avait juste appelé ses responsables. L’homme en uniforme l’a giflée à deux reprises. Elle avait sa croix sur son cou, et il a arraché sa croix. D’autres sont arrivés et ont commencé à la frapper. Ils l’ont embarquée dans le véhicule’’, a-t-il ajouté.

Interrogé sur les démarches entreprises, le père Roger indique qu’une plainte a déjà été déposée. ‘’On a déjà fait un premier pas. On a porté plainte. On a trouvé un avocat qui va poursuivre le dossier. C’est maintenant entre les mains de notre avocat’’, a-t-il dit, appelant le gouvernement à prendre ses responsabilités.

‘’Souvent, dès que les agents arrivent avec des gaz lacrymogènes, ça soulève encore plus les jeunes. Dès qu’il y a des dégâts matériels ou humains, ça peut envenimer la situation.  Il serait mieux d’impliquer les autorités locales, comme le père Jean-Francis, l’abbé Francis, qui avait commencé à apaiser les tensions. Lui, étant autochtone et prêtre de cette localité, il est mieux imprégné de la situation. Il est mieux écouté par la jeunesse. Quand il parle, les jeunes se dispersent.  Mais quand vous voulez tout faire par la force, la force ne résout pas tout. Il vaut mieux s’appuyer sur les autorités locales pour sensibiliser la population. C’est plus efficace que d’intervenir brutalement. Parce que quand ils viennent, ce n’est pas pour arranger, ils cassent tout’’, conclut-il.

Salimatou BALDE, pour VisionGuinee.Info

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